Une centaine d’agriculteurs du monde entier ont participé à la rencontre internationale d’agriculteurs organisée par Initiatives et Changement du 23 au 30 novembre près d’Angers.
L’objectif était de mener une réflexion sur le rôle des agriculteurs face aux défis actuels et de permettre aux participants étrangers de découvrir les facteurs du développement rural et agricole en France au cours des dernières décennies.
Tenue en France conformément aux voeux émis lors de rencontres précédentes par des agriculteurs africains et indiens, cette rencontre s’inscrit dans la continuité des rencontres organisées par le Dialogue entre agriculteurs depuis sa création en 1994. Ce programme vise à rassembler des agriculteurs de tous les pays, en particulier ceux où l’agriculture prend une place importante et se trouve en situation de besoin de développement urgent.
Les participants - venus d’Afrique, Amérique, Asie, Australie, Europe centrale et orientale - ont passé le premier week-end chez des agriculteurs de la région. Tous ont aimé ce moment de découverte convivial et concret malgré la barrière de la langue. Beaucoup ont été surpris lors de ces visites, par le désert des campagnes françaises alors que chez eux il règne une vie intense. Des présentations de projets agricoles de tous les pays se sont multipliées au long de la semaine, ponctuée par des moments forts tels qu’un débat sur le réchauffement climatique et ses conséquences pour le monde agricole, des visites sur le terrain, ainsi qu’un forum présentant les organisations au service des agriculteurs.
Parmi les tables rondes, on retiendra celle qui a réuni l’Américain Troy Roush, exploitant agricole dans l’Indiana à la tête d’une exploitation de 2200 hectares, l’Indien Shailendra Mahato et son épouse, cultivant 8 hectares, et le Kenyan Georges Kamau vivant sur un demi-hectare : un panel représentatif de la diversité des exploitations agricoles dans le monde.
Une préoccupation récurrente est apparue au cours de la semaine : celle du défi alimentaire.
En effet, nous aurons besoin, d’ici à 2050, de doubler la production mondiale de nourriture pour faire face à la très forte croissance de la population. Ce défi alimentaire n’est pas le même pour tous : l’Afrique devra quintupler sa production, l’Asie et l’Amérique devront la doubler alors que l’Europe n’a pas à augmenter les siennes. Christophe Réveillère, président des jeunes agriculteurs du Maine et Loire, a indiqué que son syndicat avait réclamé la création d’une organisation mondiale de l’agriculture qui se substituerait à l’OMC pour toutes les questions agricoles avec pour rôle de coordonner l’action des institutions internationales et d’élaborer des règles pour organiser les échanges internationaux, afin que le devoir de nourrir prime sur l’optimisation du commerce des produits agricoles. Le député européen Stéphane Le Foll, qui anime un groupe de discussion sur l’avenir de la PAC, a nuancé ces propos. Il dit ne pas souhaiter le retrait de l’agriculture de l’OMC mais qu’on ajoute aux discussions sur les droits de douane, les critères sociaux, culturels et environnementaux qui affectent l’agriculture.
Un consensus s’est progressivement dégagé pour affirmer que la nourriture est un élément culturellement aussi différenciant que peut l’être la langue dans l’audiovisuel, exception culturelle
reconnue en 1993 par l’OMC comme une exception aux règles générales du commerce, ce qui a permis de sauver, entre autres, le cinéma français.
La semaine s’est conclue par des engagements variés de la part des participants.
Un Cambodgien s’est dit très impressionné par le système des Maisons Familiales Rurales qu’il aimerait introduire au Cambodge : « Ce système permettrait aux enfants d’agriculteurs de pouvoir étudier tout en continuant à travailler dans l’exploitation familiale. » Etant donné que 85% de la population cambodgienne travaille dans le domaine agricole, la question de l’éducation des enfants de paysans est cruciale pour l’avenir du pays. Une de ses compatriotes a ensuite expliqué qu’elle s’était rendu compte au travers de certains témoignages féminins de « l’importance du rôle des femmes dans le développement et de l’innovation qu’elles peuvent apporter ». Le système de coopérative à la française a beaucoup intéressé les agriculteurs thaïlandais qui aimeraient développer le travail en communauté chez eux.
Dans le même temps, la réussite de ce système a beaucoup étonné les Cambodgiens encore très marqués par le communisme. Ils avaient peine à croire que les agriculteurs mettaient en commun, dans le respect de chacun, leur matériel agricole. Un agriculteur lorrain a bien résumé le bénéfi ce de
ces rencontres internationales : « Cette rencontre m’a permis d’élargir d’une façon unique mes horizons. Rassembler pour quelques jours des agriculteurs de cinq continents et permettre la discussion est une expérience inoubliable. Elle renforce notre vocation de nourrir l’humanité et de contribuer à la solidarité entre les peuples. »
Georges Kamau a invité les agriculteurs présents à participer à la prochaine rencontre qui aura lieu du 12 au 17 février 2008 au Kenya sur le thème : « Au-delà de l’agriculture de subsistance,
l’Afrique à la recherche de ses propres solutions. »