par Pierre Lokeka
Le malheur ne vient jamais seul, dit-on. La RD Congo, particulièrement sa partie Est, ne cesse de souffrir et de compter des morts chaque jour depuis une décennie. On parle de plus de 5 millions de morts suite aux guerres à répétition dont les victimes sont de paisibles populations, sans parler de la famine, de l’insécurité, des déplacements de populations fuyant les guerres, de l’inflation monétaire, etc. Et s’ajoute le problème du changement climatique : une pluie sans précédent vient de s’abattre au Sud Kivu, et le territoire de Kalehe n’a pas été épargné. Cette pluie abondante et l’érosion qui a suivi ont fait plus de 453 morts et plus de 5000 disparus (bilan provisoire). Des maisons, églises, centres commerciaux et marchés ont été emportés dans le lac Kivu. Des familles entières ont disparu, laissant parfois un enfant ou un parent qui, en dehors de sa maison lors du désastre, s’est trouvé sauvé.
Des témoignages de survivants font trembler d’horreur : ainsi cet homme a vécu la mort de ses enfants, emportés l’un après l’autre par l’eau alors qu’il voulait les sauver. Il en tenait 2 par le bras, l’un sur son dos et l’autre sur son cou. Le premier a été happé par l’eau, lui disant même : « Je sais que je vais mourir, papa, mais emporte mes frères à l’abri !». Très vite, l’autre enfant accroché à son bras a été enlevé par l’eau et criait. Son frère qui était sur le cou de son père, a été alerté par les cris de détresse et s’est retourné, a perdu l’équilibre, pour finalement tomber dans l’eau et être emporté à son tour. Le père, utilisant sa main pour s’accrocher à ce qu’il pouvait afin de ne pas être emporté a fini par escalader sur des pierres jusqu’au sommet, pensant que l’enfant sur son dos était sauf, mais malheureusement ce dernier était déjà mort noyé dans l’eau qu’il avalait. Du sommet, il regardait les maisons et les personnes emportées dans le lac par l’érosion. Quand la pluie a diminué, il a regagné sa maison pour voir ce qu’il en restait, mais il n’y a trouvé que les corps inertes de sa femme et du cadet qui revenus du marché, se sont trouvés enfouis sous la maison qui s’écroulait sur eux.
La boue emportée par l’érosion fait 3m de hauteur, et l’absence d’engins rend difficile les recherches des corps. Le bateau est la seule option pour atteindre les zones touchées par la catastrophe, car toutes les routes sont coupées.
Au niveau du Centre Kitumaini, n’étant pas loin des désastres, nous avons décidé avec les 1200 femmes que nous accompagnons de planter des arbres (agroforesterie) autour de nos champs et nos maisons, mais aussi en signe de notre participation, si minime soit-elle, aux efforts de la communauté entière pour lutter contre le changement climatique. Les images des zones alentour permettent de comprendre comment des corps ou objets non amenés dans le lac ont été récupérés aux pieds des arbres qui constituaient des obstacles. Nous comptons planter d’ici octobre environ 25 à 30 milles plantes dans un 1e temps. Cet effort continuera selon les moyens disponibles, de façon à sensibiliser les agriculteurs et mettre des plants à leur disposition dans la région.
Pour mémoire, depuis 2021, nous avons déjà planté plus 22 000 arbres.
Mieux vaut prévenir que guérir, dit-on ! C’est pourquoi nous avons décidé de donner sa place à l’arbre vu tous ses bienfaits pour notre vie, si fragile sans eux.